retour au journal du maquis

Présentation en forme d'avertissement


Traiter d'un sujet en rapport avec la mémoire est toujours quelque chose de difficile, lorsque l'on n'est ni historien, ni polémiste ; surtout en ces temps où le débat sur les "lois mémorielles" agite le pays et les passions…

L'entreprise ouverte ici se situe loin des débats enflammés ; point de revendications, point d'anathèmes, point d'honneur à laver ou à affirmer ; simplement le souci de mettre à disposition du plus grand nombre, ou encore plus simplement de ceux parmi le plus grand nombre que cela pourrait intéresser, un document resté jusqu'à ce jour dans le registre du familial et de l'amical, c'est à dire du confidentiel : les sept mois du "Journal du maquis" du lieutenant Vallier ("le lieutenant" pour ceux de cette époque et de cette modeste épopée), le père des auteurs de ce site.

Ce faisant, il va de soi que nous n'échappons pas à l'entreprise mémorielle, avec toutes ses ambiguïtés, et notamment celle-ci, si fréquente et si souvent tue : nous approchons tous deux du moment où nous ne serons plus là pour jouer, si nécessaire, le rôle du témoin (à tout le moins celui de descendant direct du, des témoins) ; avec nous, dans cette posture, nombre d'amis, de proches, de la même génération et encore quelques uns de la génération qui a agi. C'est toute une part de récits, de traditions orales, de liens que le hasard a tissé de fraternité qui s'éteindront avec nous, et il serait déraisonnable de croire que la génération suivante pourrait porter ainsi des souvenirs d'il y a soixante ans ou plus. En d'autres termes, plus vifs, la mort et l'oubli guettent en même temps, et cela nous est, différemment suivant les histoires singulières et les personnalités de chacun, plus ou moins supportable. Alors, nous "témoignons" ! Qu'y aurait-il de glorieux ou de vil à cela ?

La forme choisie pour communiquer le document concède à l'air du temps et aux facilités de l'internet ; simple amusement, connivence, qui autour du texte permettra de ménager l'attention et de nourrir de nouveaux croisements et de nouvelles paroles. Façon aussi de boucler la place du hasard et de l'aléatoire. Pas plus que nous ne choisirons ceux qui viendront consulter ce site, au hasard des connexions, pas plus ceux du maquis ne se sont choisis. Comme dans toute aventure humaine de quelque épaisseur, ils se sont trouvés là, d'âges et d'histoires divers, mus d'intérêts pas forcément convergents, rassemblés dans un hétéroclite transformé en quelques mois en proximité de valeurs et en fraternité de combats.

Plus que le récit d'une aventure, avec sa part d'inconnu, de dangers, de drames, c'est l'histoire de sept mois d'un groupe d'hommes que ce Journal présente ; avec leur part d'inconnu, de dangers, de drames, mais aussi avec la chaleur du quotidien (on verra l'épisode de la naissance de l'un des auteurs de ce texte…) et la lassitude des marches tout au long des décrochages que la sécurité imposait.

Cette histoire a été, pour le plus grand nombre de ceux qui l'ont construite, la grande histoire, la plus grande histoire de leur vie ; pas forcément d'ailleurs celle dont ils ont ensuite le plus parlé, parce que, comme toutes les grandes histoires, elle avait sa part d'indicible. Même si c'est le hasard de la vie et des événements qui les avait menés là, ces hommes ont été, modestement et à leur manière, des héros ; c'est en leur honneur, au moins autant qu'en l'honneur de celui qui fut leur chef, que ce site existe, et va se développer durant sept mois, en parallèle avec le calendrier du printemps 44.

Une dernière ambition. Peut-être, espérons le, que parmi les visiteurs du site il s'en trouve qui appartiennent à la génération des petits enfants de ces hommes. Ils vivent aujourd'hui dans une époque d'héroïsation à bon marché, sur fond d'exaltation outrancière de l'individu. Qu'ils se souviennent de René Char, sortant de la Résistance : "Notre héritage n'a été précédé d'aucun testament" ; et qu'ils sachent, en lisant le quotidien d'un tel Journal, qu'il n'y a aucune prédestination du héros; ce ne sont pas les héros qui font la guerre, c'est la guerre qui fait les héros.


Jean-Michel Sivirine et Claude Sivirine-Roddier

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